À la veille du XXe siècle, l’immense majorité des 5 400 000 Juifs de l’Empire russe était confinée dans une région connue sous le nom de « Zone de Résidence» (essentiellement l’Ukraine mais aussi la Biélorussie, la Lituanie et une partie de la Pologne). C’est là, que, selon l’expression de l’écrivain Vassili Grossman, se trouvait le corps du peuple juif…
Ces populations parlaient le russe, l’allemand, le polonais et surtout le yiddish. Elles étaient unies par une même culture, même si beaucoup de leurs membres s’étaient détournés de la religion pour s’engager dans le combat politique et social.
Malgré les changements de souveraineté, les Juifs se sentaient davantage appartenir à une région, une ville ou un shtetel plutôt qu’à un pays.
A l’issue de la Première Guerre mondiale, la disparition des empires centraux (Reich allemand, Autriche-Hongrie) et les bouleversements issus de la Révolution bolchévique en Russie entrainèrent la dislocation de l’Ukraine, éclatant
son territoire et ses populations, notamment juives, entre les différents pays issus des traités de paix. Les Juifs connurent des situations différentes (selon les circonstances politiques et les territoires dans lesquels ils étaient implantés).
Si la brève République populaire d’Ukraine (janvier 1918-novembre 1920) donna le droit à la communauté juive de gérer ses institutions religieuses, culturelles et éducatives, des pogroms furent néanmoins perpétrés, auxquels participèrent toutes les forces nationales et politiques. La situation ne fut pas meilleure dans les régions ukrainiennes rattachées à la Pologne où la situation des Juifs commença
à se détériorer à partir de 1926 (année du coup d’Etat de S.Pilsudski) : boycotts des entreprises et des magasins, système de quota officieux dans les établissements scolaires…
En Roumanie, la montée de l’antisémitisme et l’influence croissante des théories racistes et totalitaires se traduisirent par la formation de mouvements roumains nationalistes d’extrême droite et la fascisation des partis indépendantistes ukrainiens.
A l’opposé, la population juive de l’Ukraine transcarpathienne rattachée à la Tchécoslovaquie connut entre les deux guerres une existence paisible. A la suite de la crise de Munich en 1938, la région fut finalement annexée par la Hongrie. Les Juifs commencèrent alors à être l’objet d’une politique de discrimination et de persécutions.
Durant les premières années de mise en place du régime soviétique, les principales décisions laissaient à penser que les Juifs avaient enfin trouvé une patrie en URSS et, plus particulièrement, en Ukraine soviétique. Cependant, les années 1920-1930 furent marqués, dans les domaines économique et de la vie publique, par une terrible désillusion et par une succession de mesures qui annonçaient la désintégration du monde Juif. Il n’est guère que dans le domaine culturel que les années 1920-1930 correspondirent à un âge d’or. Elevé au rang de langue officielle, le yiddish se développa à grande échelle : utilisation dans certaines régions par les administrations, enseignement en yiddish dans des écoles d’état, foisonnement de journaux, revues, théâtres et salles de concert.
En 1939, on estime que la population juive en Ukraine s’élevait à 2 500 000 personnes (5 millions en URSS). Cette même année, l’URSS annexa l’est de la Pologne en application du pacte germano-soviétique, puis, en juin 1940 la Bucovine du nord. Près de 300 000 Juifs, fuyant les territoires occidentaux de la Pologne annexée par l’Allemagne essayèrent de trouver refuge en URSS. Considérés comme « activistes », les réfugiés furent envoyés par milliers dans des prisons ou des camps de travail. Ils purent néanmoins échapper ainsi au sort de 3 millions de Juifs qui furent assassinés par les nazis sur le territoire soviétique…
Buczacz-Buchach-Bukach (Galicie) : ville natale de Simon Wiesenthal.
La place du marché.
© Coll. CDJC/Mémorial de la Shoah
Stanislawow, Stanislau, Stanislav (Galicie). Sur le panneau est indiqué en hébreu et en polonais : Ferme juive. Vente de légumes tous les jours. © USHMM, courtesy of Yad Vashem Photo Archives
Kolomyja-Kolomyya-Kolomea en Galicie (1935). Les inscriptions sur panneaux des magasins sont en allemand, ukrainien, en polonais en yiddish. © Coll. USHMM, courtesy of Sueddeutscher verlag Bilderdienst
Juifs de la région de Mukatchevo (Mukatch), Ruthénie subcarpatique. Le légende en tchèque indique : père conduisant son fils à la synagogue. © Coll. CDJC/Mémorial de la Shoah