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La transmission de la mEmoire de la dEportation

par les dEportEs A leurs enfants

 

Hugo Pauillac - Céline Bellorget - David Schou

 

Introduction

 

I- Histoire familiales

            Léa Asman

            Henri Sampson

 

II- Quelle mémoire de la Shoah leur a-t-on transmise ?

            Irène Sapir

            Claude Sampson

 

III- Pourquoi ce souci de témoigner ?

            Irène Sapir

            Claude Sampson

 

Conclusion et remerciements


Durant la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), c'est plus de cinq millions de personnes qui ont été déportées, des juifs,des tziganes, des homosexuels, des opposants politiques au régime Nazi ; Ce sont aussi des milliers d'hommes, de femmes, d'oncles, de tantes et de grands-parents... Ils ont subi l'humiliation et la rigueur des camps qu'ils soient de concentration, de travail ou d'extermination. Mais, malgré les multiples sévices qui leur ont été infligés, certains ont survécu. Le témoignage qu'ils ont apporté reflète l'horreur contre laquelle ils se sont battus jour après jour.

Mais qu'en est-il de ce qu'ils ont raconté à leurs enfants? Comment expliquer l'absence d'un père, la raison pour laquelle il a fallu cacher son enfant, ce numéro tatoué sur le bras ? Pour répondre à ces questions, nous avons demandé à deux enfants de déportés, Irène Sapir, dont la mère Léa Asman fut déportée à Auschwitz et Claude Sampson, dont le père Henri Sampson fut déporté au camp de travail de Langenstein, de nous faire part de leur histoire personnelle. Nous avons été confrontés à deux conceptions différentes de la mémoire de la déportation.

Il a été aussi demandé à ces représentants de la "deuxième génération" s'ils avaient le souci de transmettre cet héritage mémoriel aux jeunes.

Nous avons été accueillis par Irène Sapir le lundi 2 mai 2005, et avons rencontré Claude Sampson le Vendredi 6 mai 2005.


 

I - HISTOIRES FAMILIALES

Irène Bibergal et sa mère Léa Asman, qui habitaient dans les faubourgs de Paris au moment de la guerre, furent toutes deux arrêtées le 16 juillet 1942 lors de la raffle dite du "Vel d'Hiv" car elles étaient d'origine juive bien que non pratiquantes. Le père, alors engagé dans l'armée française, avait été arrêté par la Wehrmacht lors de la débâcle de 1940 et était détenu dans une prison à proximité de Dresde. Le statut de femme de prisonnier de guerre valut à Léa Asman et sa fille d'être relâchées 48 heures après leur arrestation. Dès lors, la décision fut prise de cacher Irène alors âgée de cinq ans chez des amis de la famille à Compiègne. Léa Asman fut de nouveau arrêtée en mars 1943, puis emportée dans un premier temps à Drancy avant d'être déportée dans le camp d'Auschwitz.

Au sein de sa famille d'accueil, Irène s'intégra assez vite malgré sa peur envers les autres enfants de la famille. Elle ne retrouva finalement ses parents qu'a l'été 1945.

Henri Sampson, d'origine anglaise fut arrêté le 4 janvier 1944 dans un train à Bayonne, suite à une dénonciation. Considéré comme un terroriste par l'occupant nazi, il fut envoyé au fort du Hâ de Bordeaux où il restera jusqu'au 29 mars. Il fut transféré au camp de détention de Compiègne et n'en sortira que le 27 avril 1945 dans un convoi à destination d'Auschwitz­Birkenau. Arrivé le 30 avril 1944 après un épuisant voyage, il y fut rasé et tatoué. Il porta désormais le numéro 186378. Après avoir été reconduit à Buchenwald le 14 mai 1945, il fut envoyé au camp de travail de Langenstein pour la construction de galeries souterraines destinées à la fabrication des missiles V2. Il servit comme serrurier-chaudronnier, ce qu'il qualifia de Kommando "tranquille". Il s'échappa le 21 avril 1945 à neuf heures d'une marche forcée où 2500 personnes périrent. Il fut de retour à Paris le 4juin 1945.

Au delà de ces drames familiaux se cache une mémoire de la déportation que beaucoup d'anciens déportés entretiennent "pour qu'on oublie pas", selon leurs termes.

 


 

II - QUELLE MEMOIRE DE LA SHOAH LEUR A-T-ON TRANSMISE ?

Léa Asman est revenue des camps affaiblie aussi bien physiquement que moralement. Jusqu'à la fin de sa vie, elle souffrira des séquelles de sa déportation, de sorte qu'elle n'exerça aucune profession après la guerre. Son mari, prisonnier de guerre, a bien vécu sa détention ; il fit aussi plusieurs tentatives d'évasion avec ses camarades français.

Pour Irène Sapir, il y avait chez elle une grande liberté de parole, ainsi ses parents lui contèrent des anecdotes et lui expliquèrent leurs histoires dès qu'elle eu huit ans. Elle se souvient surtout d'anecdotes amusantes de son père ou de situations comiques que sa mère avait vécu lors de sa déportation. Cela peut paraître paradoxal pour nous qui ne connaissons l'histoire des camps qu'au travers de récits dramatiques... aussi cela nous a beaucoup surpris. Son jeune âge peut expliquer que l'on ait cherché à minimiser les atrocités de la guerre. Mais cependant l'état psychologique de sa mère était là pour rappeler le sort qu'elle subit à Auschwitz.

Irène a toujours su ce qui s'est passé pendant qu'elle était cachée, même les raisons qui l'avaient amenée à quitter sa mère dès 1943. Elle a, de plus, continué à fréquenter sa famille d'accueil longtemps après la guerre, lui témoignant une profonde reconnaissance depuis sa petite enfance. Le fait qu'elle soit née avant la guerre et qu'elle du être cachée, lui donna le rôle de témoin. Si elle était née après la guerre, sans doute n'aurait-elle pas su dans le détail les événements dramatiques liés à la déportation,dans sa famille. Cependant, la liberté de parole régnant au sein de sa famille lui permit d'assumer son passé et lui conféra une aisance à aborder le sujet de la Shoah. Surtout ses parents lui transmirent le respect des Hommes, le respect des différences et des minorités. Son engagement dans la lutte contre le racisme lui a donc été transmis par ses parents.

Henri Sampson, quant à lui, s'est enfermé dans un profond mutisme envers son fils. Son fils, Claude, que nous avons rencontré étant né en mars 1939, n'a pu avoir des souvenirs concrets de la Deuxième Guerre mondiale. Seul le sentiment de rancoeur semble lui a marqué l'esprit. En effet, lors de l'entretien, Claude Sampson nous témoigna son ressentiment envers les Allemands, auxquels il ne "pardonnera jamais", selon ses paroles.

Ce n'est qu'a la mort de son père, en 1992, que sa mère entama un énorme travail de rassemblement de documents, de lettres de son époux lorsqu'il était détenu à Compiègne et d'ouvrages concernant de près ou de loin le Lager de Langenstein. Claude Sampson récupéra ces documents à la mort de sa mère en 2000, une façon pour lui de se réapproprier la mémoire de ce père qui ne parla point. Cette partie inconnue de la vie de son père provoque chez lui une sorte de commémoration perpétuelle, puisqu'il continue à effectuer chaque année un voyage en Allemagne sur les traces de son père, et vit toujours dans l'ombre de "papa" comme il nous l'a beaucoup raconté. Cependant, il semblerait que son père tenait à la "réhabilitation des 4500 d'Auschwitz", déportés politiques du convoi qui mena son père aux camps en Allemagne. Claude Sampson a beaucoup insisté sur le fait que l'on ne parlait pas assez du sort des opposants politiques et "qu'on en faisait trop pour les déportés juifs". Aussi les opinions politiques et morales de notre interlocuteur ne nous ont pas permis d'exploiter davantage la question de la transmission de la mémoire.

 


 

 

III - POURQUOI CE SOUCI DE TEMOIGNER ?

 

Irène Sapir participe localement à la transmission de la mémoire de la déportation grâce à des rencontres avec des jeunes dans les lycées et les collèges. Cependant cela ne fait que quelques années qu'elle s'investit dans cette mission, car elle n'a été contactée que récemment par une association locale de déportés pour assurer ces rencontres publiques. Ancienne institutrice on peut sans nul doute penser qu'elle fit part de son témoignage à des enfants. Si Irène accepte de raconter son passé familial, c'est parce qu'elle estime que notre société a encore des dérives dangereuses, notamment en matière de racisme, puisqu'elle estime, par exemple, que les personnes d'origine maghrébine sont aujourd'hui persécutées, un peu comme les juifs il y a maintenant plus de soixante ans. Elle espère ainsi contribuer a montrer la folie des hommes qui conduit à l'inimaginable pour que, collectivement, on prenne conscience du danger de l'intolérance. Irène Sapir veut témoigner surtout pour qu'on n'oublie pas... L'histoire de sa famille est racontée dans un livre intitulé Maréchal, nous voilà.

Claude Sampson n'a jamais fait part de son histoire familiale, car il n'a jamais osé faire les démarches nécessaires. Cependant il a été récemment contacté par un journal pour témoigner; et depuis il se tient à disposition des enseignants pour raconter la déportation à des jeunes.

Le vécu des parents a profondément influencé la "deuxième génération" qui porte le lourd fardeau de la mémoire de la déportation, avec le sentiment de devoir raconter aux jeunes générations pour que le monde n'oublie pas ce qui s'est passé il n'y a pas si longtemps. Il nous est apparu qu'il était important que les parents racontent à leurs enfants, sans quoi une part de leur identité est mal vécue et difficilement assumée. Le mutisme des déportés n'est pas un fait généralisé puisque beaucoup d'entre eux se livrent à des témoignages, et ce depuis longtemps à l'image de la production littéraire de Primo Lévi. Plus récemment, des gens comme Velibor Colic nous livrent leur témoignage pour montrer au reste du monde la cruauté des guerres lointaines et non médiatisées.

 


 

 

Nous tenons à remercier Irène Sapir et Claude Sampson pour la qualité de leur accueil, pou nous avoir consacré de leur temps et de nous avoir fourni de la documentation.

 


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