Les premiers camps d’internements français ouvrirent en mars 1939 afin d’héberger les réfugiés républicains espagnols dans le sud-ouest de la France à Rivesaltes, Récébedou, Noé, Argelès, Gurs par exemple.
Quand la guerre éclata en septembre 1939, beaucoup d’ Espagnols étaient retournés dans leur pays. Dès la déclaration de guerre leur place dans les camps fut rapidement occupée par des étrangers arrêtés par la police au cours d’une action d’envergure nationale pendant les premiers jours de l’état d’urgence. Ces 15 000 étrangers alors enfermés dans les camps français comprenaient des centaines d’éminents réfugiés antinazis. En mai 1940, quand les Allemands entrèrent en France, beaucoup de réfugiés étrangers, hommes et femmes susceptibles d’être ennemis ou d’espionner, furent à nouveau victimes d’ « internements administratifs » dans ces camps du sud-ouest, de la part des autorités françaises.
Parmi ces personnes, un grand nombre de Juifs étrangers, notamment allemands et autrichiens. Les Juifs étaient pris dans les filets comme les autres étrangers et leur judéité semble alors avoir accru leur vulnérabilité. Ordinairement apatrides, souvent sans argent, parlant avec un fort accent, les Juifs étrangers représentaient environ 70% des 40 000 civils demeurés internés en France non occupée vers la fin de 1940.
De fait, le dispositif des camps était en place et les fonctionnaires s’étaient habitués à rassembler de vastes groupes d’étrangers parmi lesquels les Juifs étaient l’élément dominant. Le changement de régime en juillet 1940 ne marqua donc pas une rupture radicale car la politique de Vichy à l’égard des réfugiés n’offrit pas de différences marquantes avec celle de la fin de la Troisième République, elle en fut la continuation et le renforcement, à la différence notable que le régime rendit plus légitime une expression des sentiments antijuifs en supprimant la loi et la coutume républicaines.
Après la défaite et sous l’occupation, de nouveaux camps d’internement ouvrirent en zone occupée à partir du moment où les Juifs furent pris pour cible à la fois par les autorités d’occupation mais aussi par les autorités françaises. C’est ainsi qu’ouvrirent les camps du Loiret, de Compiègne et de Drancy qui furent les principaux camps d’internement et de transit des Juifs déportés de France.
Le camp de Drancy
Le camp de Drancy fut le principal camps d’internement français par lesquels transitèrent les Juifs avant leur déportation. La cité de la Muette de Drancy, construite en forme de U en 1935-36 afin de servir de logements à loyers modérés pour l’office d’HLM de la Seine, accueillit dès août 1941 les premiers internés juifs raflés à Paris. C’est de là que partirent vers les camps de la mort 62 des 77 convois partis de France à partir des gares du Bourget (jusqu’au mois de juillet 1943) et de Bobigny transportant près de 65 000 personnes.
En 1942, 32 convois sur 43 sont partis de Drancy. Le seul convoi sur les 17 de l’année 1943 et les 14 de l’année1944 qui ne partit pas de Drancy fut celui du 11 août 1944 qui partit de Lyon.
Sur ces 62 convois, seuls 6 n’allèrent pas vers Auschwitz-Birkenau. Les convois 50 et 51 furent dirigés vers Maïdanek et Sobibor, les 52 et 53 vers Sobibor, le 73 vers Kaunas en Lituanie, le dernier, qui rapatriait en Allemagne Aloïs Brunner, partit pour Buchenwald avec 51 déportés à bord.
Drancy fut géré par les autorités françaises jusqu’au mois de juillet 1943. Les trois officiers français qui se succédèrent à la direction du camp étaient sous la direction de la préfecture de police de la Seine. L’administration française du camp fut toutefois en permanence sous le contrôle de la Sicherheitpolizei (la police de sécurité) et du Sicherheitdienst (service de sécurité). A partir du 2 juillet 1943 et l’arrivée à la tête du camp du nazi Aloïs Brunner, le camp passa sous administration allemande et les gendarmes français furent cantonnés à un rôle de garde à l’extérieur du camp. Celui-ci fonctionna alors sur le modèle des camps de concentration allemands.
Les camps de Pithiviers et de Beaune-La-Rolande
Ces camps furent administrés par les autorités françaises comme une même entité et relevèrent de l’autorité du préfet du département du Loiret. Situés à 23 kilomètres l’un de l’autre ils étaient destinés à interner des Juifs. Les deux camps étaient surveillés chacun par une centaine de gendarmes et de douaniers.
Le camp de Pithiviers était situé à 500 m de la ville. Composé de 19 baraques dont deux pour l’infirmerie, il avait d’abord servi de « Fronstalag » pour les prisonniers de guerre français alors qu’il était initialement prévu pour les prisonniers de guerre allemands.
Le camp de Beaune-la-Rolande, situé sur un plateau à l’est du bourg, comprenait 18 baraques dont 14 pour les internés. Clôturé par une double rangée de barbelés, il s’étendait sur trois hectares.
Les premiers internés juifs, dirigés de la gare d’Austerlitz vers les camps du Loiret, arrivent à la suite des premières arrestations parisiennes du 14 mai 1941. 1 693 Juifs sont internés à Pithiviers, environ 2 000 à Beaune-La-Rolande.
Après les rafles parisiennes de juillet 1942, les familles avec enfants sont transférées en train dans les camps du Loiret, les camps sont alors surpeuplés et des épidémies se déclarent. Entre le 31 juillet et le 7 août 1942, quatre convois composés d’adolescents et d’adultes quittent les camps du Loiret pour Auschwitz. A chaque départ, les gendarmes séparent les femmes et les enfants à coups de crosse. Les 1 800 enfants de Pithiviers et les 1 500 de Beaune-La-Rolande furent maintenus dans les camps du Loiret, arrachés à leurs parents, livrés à eux-mêmes. Il furent ensuite déportés dans 7 convois partis de Drancy entre le 19 août et le 2 septembre 1942. Ainsi, les enfants des camps du Loiret sont transférés à Drancy par 4 convois entre le 19 août et le 25 août 1942.
Le jour même du premier convoi qui transfert les enfants du Loiret à Drancy , une partie de ces enfants est déportée de Drancy à Auschwitz par le convoi n° 21. Ainsi, jusqu’au convoi n° 27 en date du 2 septembre 1942, les enfants orphelins des camps du Loiret sont déportés et assassinés immédiatement à Auschwitz.
6 convois partirent de Pithiviers : les convois n° 4 du 25 juin 1942, n°6 du 17 juillet, n°13 du 31 juillet, n°14 du 3 août, n°16 du 7 août et enfin le convoi n°35 du 21 septembre 1942.
2 convois partirent de Beaune-la-Rolande : le convoi n° 5 du 28 juin 1942 et le convoi n° 15 du 5 août 1942.
Le camp de Compiègne
Situé dans un faubourg de Compiègne, qui à l’époque s’appelait Royallieu, le camp formait un quadrilatère de 400 mètres de côté. Mis en place par les Allemands qui ont utilisé les casernes existantes, le camp servit en premier lieu pour les prisonniers français et britanniques avant de devenir à partir du 22 juin 1941 un camp d’internement. Le camp était cloisonné en quatre sous-camps, accueillant chacun différentes catégories de détenus. La partie la plus importante et la plus stable était celle réservée aux détenus politiques, elle occupait une douzaine de bâtiments. À côté de ces « politiques » il y avait les détenus étrangers, américains et russes qui étaient internés dans des bâtiments spéciaux.
Les Juifs étaient à l’écart, ils subissaient les conditions d’internement les plus dures. Le secteur juif était séparé du reste du camp par une double palissade qui les privait de tout contact avec les autres détenus. Le camp de Compiègne fut le seul camp de transit en France à n’avoir jamais dépendu que de l’administration allemande. Ce camp est d’abord connu pour avoir été le premier centre de déportation des prisonniers politiques français.
Les Juifs représentèrent environ 12% de la population des internés. Ils furent internés à Compiègne surtout au début de l’Occupation ; par la suite, ils étaient plus systématiquement envoyés dans le camp de Drancy.
Le sous-camp juif du camp de Compiègne fut inauguré dans la nuit du 12 au 13 décembre 1941 par le transfert des 743 Juifs arrêtés le même jour, rejoints dans leur train par 300 étrangers extraits de Drancy. Un va et vient d’internés s’établit alors entre Drancy et Compiègne et les transferts d’un camp à l’autre furent nombreux.
49 860 déportés sont partis de Compiègne dans 54 convois dont 52 vers les camps de concentration, déportant en moyenne un millier de personnes à chaque fois entre mars 1942 et août 1944. Ces convois furent de plus en plus nombreux au fil des années : 5 en 1942, 22 en 1943, 27 en 1944. Les destinations de ces convois furent les camps de concentration de Buchenwald (16 convois), Mauthausen (8 convois), Ravensbrück (5 convois), etc. C’est également de là que partirent les deux premiers convois de déportation de Juifs à destination d’Auschwitz, le 27 mars et le 5 juin1942.
Le camp des Milles
Au début de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939, le gouvernement français prend la décision d’interner les ressortissants du Reich, pourtant pour la plupart antifascistes ayant fui le nazisme. Considérés comme « sujets ennemis », les internés sont victimes d’un mélange de xénophobie, d’absurdité et de désordres administratifs. Ils sont internés, sous commandement militaire français, dans la Tuilerie des Milles, au sud d’Aix-en-Provence, usine alors désaffectée, réquisitionnée dès le début du conflit.
En juin 1940, s’ouvre la seconde période du camp, suite à la défaite de la France, à la signature de l’armistice et l’arrivée au pouvoir de Pétain.
À partir de juillet 1940, le camp devient un camp d’internement pour les « indésirables », et de transit, rapidement surpeuplé. En novembre 1940, passé sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur français, c’est le seul camp qui offre un faible espoir d’une émigration loin de l’Europe. 39 nationalités sont représentées dans le camp. Dans les premiers mois, certains internés en bénéficieront pour rallier les États-Unis, l’Amérique du Sud ou même l’Asie. Ils trouvent, à l’intérieur même du camp, l’appui de particuliers, d’organisations locales et internationales qui mettent en place des filières régulières ou illégales.
Les conditions d’internement, déjà précaires, se dégradent encore : maladies, promiscuité, nourriture insuffisante, angoisses face aux dangers qui cernent les internés, dans l’attente d’un hypothétique visa, de la fuite, et de la liberté, enfin, recouvrée, dans ce pays, la France, qui aurait dû les protéger …
Au cours de l’été 1942, la troisième période du camp des Milles est la plus tragique : l’ancienne tuilerie devient un camp de déportation dans lequel les juifs déjà internés et ceux raflés dans la région sont regroupés pour être déportés, via Drancy, à Auschwitz.
Le régime de Pétain, ouvertement antisémite, va jusqu’à fournir aux nazis les enfants et au camp des Milles, une centaine sont dans les wagons de déportation. Le plus jeune avait un an. Au total, près de deux mille hommes, femmes et enfants juifs sont alors déportés.