À l’occasion de Yom HaShoah, les 11 et 12 avril 2018, s’est déroulée une cérémonie suivie lecture publique ininterrompue de 24 heures sur le parvis du Mémorial de la Shoah, de jour comme de nuit, en mémoire des victimes de la Shoah et des héros de la Résistance juive pendant la Seconde Guerre mondiale.
Des 76 000 noms inscrits sur le Mur des Noms, ont été prononcés, un à un, les noms des personnes déportées de France par les convois n°71 à 85, des Juifs morts en camp d’internement en France, exécutés comme résistants, comme otages ou abattus sommairement (listes 90 et 91), et des personnes déportées par les convois n°1 à n°20. Quelque 200 personnes, anciens déportés, parents, bénévoles, enfants… ont lu à tour de rôle, à partir des listes issues du Livre Mémorial de la Déportation de Serge Klarsfeld, (éd. Association des FFDJF), les noms de « ceux dont il ne reste que le nom » (Simone Veil).
Nous vous proposons de retrouver les photos de la commémoration sur notre page Facebook en cliquant ICI
Discours de François Heilbronn, Vice-Président du Mémorial de la Shoah
Cérémonie inaugurale Yom Hashoah du mercredi 11 avril 2018, Mémorial de la Shoah
Mesdames et Messieurs les anciens déportés
Mesdames et Messieurs les résistants
Mesdames et Messieurs les enfants cachés
Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur
Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances
Monsieur le Ministre de l’Education Nationale
Monsieur le Premiers Ministre
Madame la Secrétaire d’Etat aux anciens combattants et à la mémoire
Madame la Maire de Paris
Madame la Directrice Générale de l’Unesco
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs d’Autriche, des Etats-Unis, de France, d’Israël, et de Pologne
Mesdames et Messieurs les sénateurs et députés
Mesdames et messieurs les maires
Monsieur le Préfet de Police de Paris
Monsieur le Recteur de l’Académie de Paris
Messeigneurs les Archevêques de Marseille et de Paris
Monsieur le Grand Rabbin de France
Monsieur le Pasteur, Président de la Fédération Protestante de France
Monsieur l’Imam de Drancy
Mesdames et messieurs les représentants des Cultes
Monsieur le Président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
Monsieur le Président du Mémorial de la Shoah
Monsieur le Président du Consistoire
Madame la Présidente du MJLF
Monsieur le Président du CRIF
Mesdames et messieurs les Présidents d’association d’anciens déportés, d’anciens combattants et de victimes de génocides
Mesdames et messieurs les Présidents d’associations antiracistes et anti-antisémites
Mesdames et messieurs les Présidents d’association
Monsieur et Madame Serge Klarsfeld et les Fils et Filles des déportés Juifs de France
Chers enfants du Talmud Torah du MJLF
Chers amis
En ce jour de Yom Hashoah, le jour choisi par l’Etat d’Israël pour commémorer les martyrs juifs du génocide mais aussi les héros de la résistance juive, nous sommes tous réunis au Mémorial de la Shoah pour lire un à un les noms des Juifs déportés de France ainsi que ceux morts en captivité ou assassinés en France entre 1941 et 1944.
Mais avant d’évoquer la cérémonie qui nous rassemble et à laquelle je vous remercie toutes et tous de participer si fidèlement chaque année. Je voudrais évoquer un anniversaire.
Il y a presque 75 ans, le 28 avril 1943 en pleine occupation de la France, l’ancêtre du Mémorial de la Shoah, Le Centre de Documentation Juive Contemporaine, fut créé. Ce jour là, 40 résistants juifs se réunirent rue Bizanet à Grenoble sous l’impulsion de Isaac Schneersohn, pour créer ce qui deviendra, le Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC). En pleine occupation, ils déclarent ensemble : « nous voulons avant toute chose écrire le Grand livre du martyrologue du judaïsme de France ». Au plein cœur de la Shoah en France, en Europe et au moment même en ce mois d’avril 43 où la révolte du Ghetto de Varsovie fait rage et force les troupes allemandes à reculer, ce Comité adoptait un objectif visionnaire. Objectif qui permet 75 ans plus tard la tenue de cette cérémonie, le voici :
« Dresser le bilan de la fortune juive spoliée ou aryanisé, dresser le tableau de tant des souffrances de tant, d’internés, de déportés, d’otages juifs fusillés ; de faire ressortir l’héroïsme des combattants juifs… d’enregistrer l’attitude des gouvernants, de l’administration, des diverses couches de l’opinion publique…Il faut mettre en lumière tout ce qui a pu agir sur le monde juif en France dans un sens défavorable ou favorable… Deuxièmement, il y a lieu de préparer d’ores et déjà le Cahier des revendications des Juifs de France, juifs français ou juifs étrangers. »
A la Libération de Paris, le Comité se transforme en Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC) et joue un rôle essentiel dans la collecte des documents issus des services allemands et français de répression des Juifs, dont les listes des convois de déportation que nous lirons pendant ces 24 heures.
Doté d’une vision novatrice pour l’époque, Schneerson ne souhaite pas en rester là. Il entend rassembler, pour la première fois au monde, dans un même lieu, les archives mais aussi une bibliothèque, un centre de recherches, des expositions et surtout, un « Mémorial ». La première pierre du « Tombeau du Martyr Juif Inconnu » est posée en mai 1953. Et le Mémorial tel que nous le connaissons aujourd’hui est inauguré le 30 octobre 1956, cinq ans avant Yad Vashem.
C’est au CDJC que Serge Klarsfeld trouve les listes des Juifs déportés de France qui lui permettent de publier en 1978, son magistral « Mémorial de la déportation des Juifs de France ». Ce livre qui nous permit de bâtir le Mur des Noms en 2005. Mur que nous avons entrepris de rénover et compléter pour 2020 en corrigeant certaines erreurs de noms, prénoms et âges. Ce livre Mémorial qui donna l’idée en 1990 au Rabbin Daniel Fahri du Mouvement Juif Libéral de France et à Serge Klarsfled Président des Fils et Filles des Déportés Juifs de France d’organiser cette lecture ininterrompue pendant 24 heures en ce jour de Yom Hashoah des noms des Juifs déportés de France. En 2006, le Mur des Justes vint compléter le Mur des Noms.
Et symboliquement ce soir nous nous tenons rassemblés sur ce parvis entre ces deux murs celui des martyrs et des héros comme celui des Justes parmi les Nations de France, sauveteurs de tant d’entre vous.
Cette lecture des noms des déportés juifs de France dure 24 heures. Et pendant 24 heures nous lisons un à un les noms de celles et ceux qui comme nous l’a toujours rappelé Simone Veil : « il ne reste que le nom ».
En 24 heures nous ne pouvons lire les plus de 76.000 noms des Juifs déportés de France. Cette année nous en lirons 33.500 dont ceux de 4.093 enfants. Pour poursuivre notre lecture interrompue l’année dernière à la fin du convoi n°70, nous reprendrons la lecture des noms des convois 71 à 85, puis nous lirons les noms des Juifs morts en France, en camp d’internement, exécutés comme résistants, otages ou abattus sommairement, puis nous reprendrons notre lecture du convoi n°1 au convoi n°20.
Pour cette cérémonie inaugurale de cette lecture, nous lirons tous ensemble sans ordre protocolaire, les 1.500 noms du convoi n°71, parti de la Gare de Bobigny, il y a presque 74 ans, le 13 avril 1944.
Dans ce convoi, il y avait 624 hommes et 854 femmes et parmi eux 148 enfants de moins de 12 ans et 295 de moins de 19 ans. Parmi ces enfants, il y avait 34 des 44 enfants arrêtés à la maison d’Izieu par Klaus Barbie le 6 avril 1944, aucun ne survécurent.
Il y avait également plusieurs familles nombreuses. Barnett et Louise Greenberg et leurs 9 enfants âgés de 4 à 19 ans, seul Paul, 17 ans, reviendra. Salomon et Clara Sephiha et leurs 7 enfants âgés de 3 à 17 ans, aucun ne revinrent. Esther Schenkel et ses cinq enfants dont un très bel essai « Les inoubliables » a raconté le tragique destin.
Parmi les 91 femmes et 39 hommes qui miraculeusement revinrent d’Auschwitz-Birkenau, il y avait notre amie Marceline Loridan-Ivens née Rosenberg et notre amie Ginette Kolinka née Cherkasky. Parmi les rares survivantes, il y avait aussi la grande psychanalyste Anne-Lise Stern.
Et dans ce convoi, dont hasard du calendrier, vous lirez les noms ce soir, se trouvait également Yvonne Jacob et deux de ses filles Madeleine et Simone. Simone Jacob, devenue Simone Veil. Son fils Jean Veil lira le nom de sa mère ce soir ainsi que celui de sa tante et de sa grand-mère. Le nom de Simone Jacob-Veil retentira ici ce soir lors de cette lecture de Yom Hashoah dans ce lieu qui lui doit tant, et ce entre son décès le 30 juin dernier et son entrée au Panthéon le 1er juillet prochain.
Lors de notre cérémonie, après que 6 rescapés des camps de la mort accompagnés de 6 jeunes enfants du Talmud-Torah du MJLF, allumeront les 6 bougies du souvenir à la mémoire des 6 millions de Juifs assassinés en Europe, nous écouterons le témoignage de l’un de nos amis rescapés lui aussi et militant infatigable de la Mémoire, Monsieur Henri Borlant. Henri Borlant arriva à Auschwitz-Birkenau à l’âge de 15 ans et un mois, il survécut à 33 mois de camps, il est l’un des plus jeunes rescapés français. Puis nous entamerons la lecture des noms du convoi 71.
Je voudrais remercier tous les organisateurs de cette cérémonie, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, le Mouvement Juif Libéral de France, le Mémorial de la Shoah et le Consistoire.
Remercier tout particulièrement tous les équipes de Yom Hashoah principalement les membres du MJLF qui ont préparé cette lecture ininterrompue et qui vont veiller sans s’arrêter pendant 24 heures à son bon déroulement.
Enfin en guise de conclusion et d’hommage, je voudrais lire 12 autres noms ce soir devant vous. Douze noms de nos contemporains.
Les temps ne sont plus les mêmes, les contextes politiques sont totalement différents mais néanmoins je voudrais lire ici, ce soir, les noms des douze Français juifs assassinés en France depuis 2003 au seul motif d’être Juif.
Douze Français juifs victimes de préjugés séculaires, de la haine antisémite et pour huit d’entre eux du radicalisme islamiste.
Sébastien Selam
Ilan Halimi
Myriam Monsonego
Jonathan Sandler
Arié Sandler
Gabriel Sandler
Philippe Braham
Yohan Cohen
Yoav Hattab
François-Michel Saada
Sarah Halimi
Mireille Knoll
Je vous remercie.