Figure de la Résistance, Georges Loinger a sauvé des centaines d’enfants juifs pendant l’Occupation. Il a par la suite œuvré pour faciliter le passage des rescapés du nazisme en Palestine à bord de l’Exodus. Doyen de la Résistance juive en France, commandeur de la Légion d’honneur, Croix de Guerre 1939-1945, Georges Loinger nous a quittés le 28 décembre 2018 à l’âge de 108 ans.
Né de parents juifs commerçants à Strasbourg en 1910, alors que l’Alsace restera allemande jusqu’en 1918, Georges Loinger est en partie élevé par la mère du futur mime Marceau, Anna Mangel, son père étant mobilisé dans l’armée autrichienne pendant la première guerre mondiale. Adolescent sportif, il est fortement marqué par ses activités au sein d’Hatikvah (« espoir », en hébreu), un mouvement de jeunesse semblable à celui des scouts, et d’inspiration sioniste. Il y rencontre Flore, qu’il épouse en 1934, et y côtoie de nombreux Juifs allemands bien informés de l’évolution du IIIe Reich.
Au cours de ses études d’ingénieur à Strasbourg, il se lie avec le docteur Joseph Weill, « un des hommes les plus cultivés de France », convaincu de la nécessité de se préparer à résister aux persécutions nazies qu’il entrevoit. Sur ses conseils, Georges devient professeur d’éducation physique à Paris, puis au lycée Maimonide de Boulogne-Billancourt, dont il est aussi le directeur adjoint. Il rencontre la baronne de Rothschild, qui confie à Flore, dans son château de Lagny, près de Paris, le soin de 123 enfants de juifs allemands, éloignés du Reich en 1938. Georges, lui, est mobilisé en Alsace en 1939, puis fait prisonnier et envoyé dans un camp en Bavière. Inquiet des nouvelles venues de France, il s’évade.
Il rejoint sa femme et les enfants qu’elle protège, emmenés dans un ancien hôtel de La Bourboule, près de Clermont-Ferrand. En liaison avec le docteur Weill, devenu l’un des dirigeants de l’OSE (Œuvre de Secours aux Enfants juifs), Georges s’occupe de disperser ces enfants dans la Creuse. Quand, en 1942, les Allemands occupent la zone sud, il est chargé par l’OSE de créer une filière vers la Suisse. Avec le soutien actif du maire d’Annemasse, Jean Deffaugt, de cheminots locaux et du Joint, organisation américaine juive de secours, il évacue plusieurs centaines d’enfants, dont les deux siens, en terre helvétique. Entre 1943 et 1944, il va alors sauver plus de quatre cents enfants juifs.
« Le nombre exact, je l’ai jamais su. L’OSE me dit plusieurs centaines. Vous savez, personne de mes camarades ne pensait à l’après-guerre. Pour nous, l’après-guerre était un mythe qui existait dans nos souhaits, dans nos rêves. Mais nous étions au front, en danger continuellement », racontait Georges Loinger. Les historiens estiment toutefois qu’il a contribué à sauver environ 450 enfants.
Après la Libération, il participe à l’organisation de l’immigration clandestine de juifs en Palestine, alors sous mandat britannique, notamment à bord de l’Exodus. Il crée à Paris la filiale d’une compagnie maritime israélienne, qu’il dirige jusqu’à sa retraite. Président de l’Association des anciens déportés de la résistance juive en France, Georges Loinger a coordonné, avec Jean Brauman et Frida Wattenberg, un recueil de plus de 500 témoignages, intitulé Organisation juive de combat – Résistance/sauvetage en France, 1940-1945 (Editions Autrement, 2002).
Georges Loinger recevra les insignes de commandeur de la Légion d’honneur en 2005 et sera reçu en 2013 par le président israélien Shimon Peres lors d’un voyage en Israël. Georges Loinger a raconté son histoire dans plusieurs ouvrages. Il a témoigné plusieurs fois au Mémorial de la Shoah, nous vous proposons de revoir ces rencontres en vidéo ci-dessous.
Toutes nos pensées vont à ses proches.
Georges Loinger, l’Alsacien passeur d’enfants
Georges Loinger : éduquer et sauver par le sport (27 novembre 2011)