Après cinq années de National-socialisme, les chefs du
régime constatent que, malgré les menaces et les brimades,
les trois-quarts de la population juive du Reich ont choisi de rester.
Situation d’autant plus préoccupante que presque 200 000
Juifs résidants en Autriche tombent sous l’autorité
du Reich après l’Anschluss. 1938 sera l’année
d’une radicalisation et d’une accélération des
mesures antisémites visant à éliminer toute présence
juive, en particulier dans l’économie, et à encourager
une émigration massive. Ces mesures législatives s’accompagnent
d’actes de violence dont le point culminant sera
la « Nuit
de Cristal ».
Le 7 novembre 1938, Herschel Grynszpan, Juif polonais d'origine allemande qui habite Paris
et veut protester contre la récente expulsion des Juifs polonais
vivant en Allemagne par-delà la frontière polonaise, se
présente à l’ambassade d’Allemagne et blesse
mortellement Ernst vom Rath, secrétaire d’ambassade.
En France, Grynszpan est inculpé par le juge Tesnière de
tentative d’assassinat et de meurtre avec préméditation.
Transféré à Berlin, Grynszpan est interrogé
puis incarcéré à Sachsenhausen, le 18 janvier
1941 et fait plusieurs séjours à la prison de la Gestapo.
Personne n’a jamais su avec certitude ce qu’il advint de Grynszpan.
Si, en février 1936, le meurtre de Wilhelm Gustloff, chef d’une
branche suisse du parti nazi, par David Frankfurter, étudiant juif
d’origine yougoslave était passé inaperçu en
raison des Jeux olympiques de Berlin celui de vom Rath est, pour les nazis,
le prétexte au déclenchement de la « Nuit de Cristal
».
A l’annonce de l’attentat contre vom Rath, la presse allemande
développe à l’envi le thème de la conspiration
juive mondiale et menace de sévères représailles.
C’est le prétexte idéal pour faire la chasse aux Juifs
et les contraindre à quitter massivement l’Allemagne. Le
9 novembre au soir à Munich, Goebbels prononce un discours violent
d’incitation aux représailles devant les chefs nazis réunis
à l’ancien Hôtel de Ville de Munich pour la commémoration
du putsch de 1923 et annonce que des pogroms antijuifs ont éclaté
dans les districts de Kurhessen (Hesse-Cassel) et de Magdeburg-Anhalt.
Il ajoute que, sur sa suggestion, Hitler a décidé de ne
rien faire pour empêcher un mouvement qui s’étendrait
spontanément à l’ensemble du Reich.
A l’annonce du décès de vom Rath l’émeute
se propage avec une rapidité foudroyante. La SA donne ordre à
ses troupes d’incendier systématiquement toutes les synagogues
du pays. Informé des événements dans la nuit, Himmler
a une réaction relativement modérée, ordonnant à
ses troupes d’entrer en action pour empêcher un pillage généralisé
et pour interner une vingtaine de milliers de Juifs dans les camps de
concentration. Les agresseurs se ruent à l’assaut des symboles
de la vie juive.
Près d’une centaine de Juifs sont assassinés, plusieurs
sont gravement blessés, des femmes sont violées. En Autriche
le pogrom est plus violent encore : 42 synagogues sont détruites,
27 Juifs tués, une centaine est gravement blessée. 6 500
personnes sont arrêtées et transférées principalement
aux camps de concentration de Dachau et Buchenwald.
La grande majorité des internés Juifs allemands et Juifs
autrichiens, lors de la « Nuit de Cristal », est progressivement
libérée entre le 18 novembre 1938 et le printemps 1939 s’ils
s’engagent à émigrer sans tarder et à abandonner
la majeure partie de leurs biens. Parmi eux, les vieillards, les grands
malades, ceux qui peuvent prouver qu’ils vont émigrer ou
accepter de céder leurs entreprises à un Aryen pour un prix
dérisoire, sont les premiers libérés. Le froid, les
mauvais traitements et les maladies provoquent la mort de plusieurs centaines
« de Juifs de novembre ». La communauté juive est condamnée
à payer une amende de un milliard de marks pour avoir causé
ces dommages « en provoquant la juste colère du peuple allemand
». Elle sera prélevée sur les 7 milliards d’avoirs
juifs bloqués depuis avril 1938.
Le déchaînement de violence donne à tort l’impression
d’une émeute spontanée. En fait, à l’exception
d’une minorité, la population est restée spectatrice.
Peu de voix s’élèvent pour protester officiellement.
Les Eglises restent silencieuses.
Dans la journée du 10, les violences cessent. Le bilan est très
lourd : destruction de 267 synagogues en Allemagne, de nombreuses maisons
communautaires, de milliers de lieux privés (maisons, appartements
et commerces). A ces destructions matérielles s’est ajouté
l’assassinat de 91 Juifs, l’arrestation et la déportation
de 30 000 hommes à Dachau et Buchenwald. Dans les semaines qui
suivent, la communauté juive est secouée par une vague de
suicides sans précédents (680 dans la seule ville de Vienne),
et la vague d’émigration vers l’Europe occidentale
et la Palestine s’accélère.
Conscient du retentissement à l’échelle nationale
et internationale de cet évènement (condamnation de l’opinion
publique et politique au Royaume Uni et aux Etats-Unis, boycott des entreprises
en France, Canada, Pays-Bas), le régime nazi décide de ne
pas renouveler d’actions similaires au grand jour.
Herschel Grynszpan entouré de policiers sortant de son premier interrogatoire dans les locaux de la Police Judiciaire. Paris, France, 7 novembre 1938.
Crédit photographique : Mémorial de la Shoah/CDJC.
Soldats nazis réquisitionnant des meubles appartenant à des Juifs, après la 'Nuit de Cristal'. Allemagne, novembre 1938.
Crédit photographique : Mémorial de la Shoah/CDJC.
Magasin de chaussures de Léo Schlesinger saccagé lors de la 'Nuit de Cristal'. Vienne, Autriche, 10 novembre 1938.
Crédit photographique : Mémorial de la Shoah/CDJC.
Foule devant une synagogue incendiée, lors de la 'Nuit de cristal'. Vienne, Autriche, 10 novembre 1938.
Crédit photographique : Mémorial de la Shoah/CDJC.