Rwanda

Les spécificités du génocide des Tutsi

Les lieux de massacre

«En fait, je suis revenu le lendemain matin à 8h00, le 23, et quand je suis rentré en voiture à l’hôpital universitaire de Butare, j’ai vu beaucoup de soldats en mouvement et il y avait deux ou trois camions et des personnes en uniforme rose. Il s’agissait des prisonniers. Ceux qui portaient des uniformes roses étaient des prisonniers qui transportaient les corps et qu’ils jetaient dans des camions. J’ai demandé : “Qu’est-ce qui s’est passé ici ?” Et ils le personnel rwandais de MSF m’ont répondu : “La nuit dernière, il y a 40 malades tutsi qui ont été amenés en groupe par des miliciens. […]” Et les cadavres que vous voyez là sont donc des corps de ces patients, de ces malades. […] Et ils ont attrapé deux de mes infirmières, Nadine et Rose. … Je leur ai demandé : “Pourquoi vous voulez amener mes infirmières ? Vous ne pouvez pas les amener, ces infirmières ont soigné vos soldats, ont soigné tout le monde.”[…] Je suis revenu à l’hôpital, il était déjà environ 16h00 et, cette fois-là […] on m’a dit que Nadine et Rose, qui étaient tutsi, avaient été amenées et battues à mort derrière l’hôpital. Ils m’ont également dit que Sabine avait été amenée et tuée également. Je connaissais l’origine ethnique de Sabine. Elle était hutu, Sabine. Elle a travaillé pour ces soldats, elle a soigné ces soldats. J’étais donc très choqué. J’ai dit : “Mais pourquoi a-t-on tué Sabine ?” Sabine était enceinte de sept mois, elle était hutu, mais son mari était tutsi. L’enfant, on m’a dit qu’au Rwanda que l’enfant qui naît est de la même origine ethnique que son père. C’est pour cela que Sabine devait être tuée parce que l’enfant à naître serait tutsi. J’ai regardé autour de moi, mon équipe était là et puis on a amené les gens en groupe de trois, cinq. On les amenait derrière l’hôpital, on les tuait ; nous entendions les cris. J’ai dit au personnel de mon équipe : “Nous partons d’ici.”»

Source : ICTR-96-4-T, Le Procureur contre Jean-Paul Akayesu, déposition du docteur Rony Zachariah, transcription de l’audience du 16 janvier 1997, p.101-108.

L’hôpital universitaire de Butare est lui aussi le lieu d’exactions.

Dans le cadre d’une mission de Médecins sans frontières, le docteur Rony Zachariah se trouve en poste à Butare pendant le génocide.
Devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), il raconte de quelle manière les tueurs investissent l’hôpital universitaire pour assassiner les patients et le personnel médical tutsi lors des journées des 22 et 23 avril 1994.