A la faveur de la crise économique de 1929, le NSDAP (parti national-socialiste des travailleurs allemands), prend de l’ampleur et progresse au fil des scrutins électoraux. Adolf Hitler à la tête du parti depuis 1921, tire parti des échecs de la République de Weimar et exploite le nationalisme engendré par le Traité de Versailles signé à l’issue de la Première Guerre mondiale (28 juin 1919). Orateur d’exception, Hitler développe, sur un terreau où se mêlent conservatisme, nationalisme frustré et ressentiment social, une propagande qui use d’arguments à la fois nouveaux et séculaires. En 1930, aux élections législatives, le parti obtient 18,37 % des voix devenant le deuxième parti d’Allemagne, et le 30 janvier 1933 Hitler devient chancelier. Il prend alors la tête d’un gouvernement à majorité national-conservatrice dans lequel les nazis sont minoritaires face à des conservateurs bien décidés à les utiliser pour liquider la République de Weimar au profit d’un régime autoritaire traditionnel.
Il ne faut pourtant que quelques mois à Hitler pour s’emparer sans partage du pouvoir. L’incendie du Reichstag le 27 février 1933 est le prétexte pour interdire le Parti communiste dont les leaders et 10 000 militants sont internés. Il permet à Hitler d’obtenir du maréchal von Hindenburg, encore président du Reich (appellation officielle de la République), la promulgation « du décret pour la protection du peuple et de l’Etat », le 28 février 1933, et d’obtenir également des pouvoirs de police exceptionnels dans les Länder. Dans ce climat politique, les nazis emportent 44 % des suffrages aux élections parlementaires du 5 mars 1933, soit 288 sièges sur 640 au Reichstag. Les députés du centre (Zentrum) rejoignent les nazis et les nationaux-allemands pour voter, le 23 mars 1933, la loi d’habilitation (promulguée le 24 mars) qui confère à Hitler les pleins pouvoirs pour 4 ans, renouvelables en cas de besoin.
Le 14 juillet 1933, toutes les formations politiques sont interdites au profit du parti nazi, décrété parti unique. Les syndicats sont remplacés par un nouvel organisme corporatiste, le « Front du travail », contrôlé par les nazis. La propagande habile et intensive de Goebbels, nommé le 11 mars 1933 ministre de la Propagande, se met en œuvre. Le 10 mai 1933, des étudiants et bibliothécaires « nettoient » les bibliothèques des villes universitaires, des ouvrages littéraires et des auteurs « indésirables » - libéraux, pacifistes socialistes et juifs. Face à cette menace directe de nombreux écrivains et artistes prennent le chemin de l’exil. La presse, la radio et le cinéma sont strictement surveillés et utilisés par la propagande nazie. A partir de 1934, les fonctionnaires sont contraints de prêter serment de loyauté à Hitler. La jeunesse fait l’objet d’un soin particulier : sous l’égide de la Ligue nationale socialiste de l’enseignement, l’école devient un lieu d’endoctrinement. Les mouvements de jeunesse, aux premiers rangs desquels figurent les Jeunesses Hitlériennes, enrôlent et mobilisent les jeunes dès l’adolescence, Heinrich Himmler, chef de la SS (groupe de protection) est investi des pleins pouvoirs de police. Prenant de plus en plus d’importance depuis la « Nuit des longs couteaux » (liquidation de la SA par la SS), la SS pénètre tous les secteurs de la vie publique et privée et s’efforce de mettre en place par tous les moyens, y compris la terreur, un modèle d’homme nouveau conforme aux références biologiques nazies.
Les premières mesures contre les Juifs entrent en vigueur deux mois après que le maréchal von Hindenburg eut confié à Adolf Hitler la constitution du gouvernement.
Le 1er avril 1933, un comité officieux organise un immense boycott des commerces, cabinets d’avocats et de médecins juifs. Cette campagne est présentée comme une réponse aux réactions de protestation survenues à l’étranger « à l’initiative des Juifs » contre la politique du gouvernement allemand. Les SA montent la garde devant les magasins, les cabinets de médecins et d’avocats juifs. Cette journée marque symboliquement le début de l’éviction des Juifs de la vie économique. Le 7 avril 1933, deux premières lois excluent les Juifs de la fonction publique et du barreau. Les Juifs d’Allemagne sont progressivement chassés des professions libérales, de l’armée, de la justice, des métiers de la culture et de la presse. Un numerus clausus est instauré dans les universités et à partir de 1938 les enfants juifs doivent quitter l’école. Le parti nazi et ses militants s’investissent dans l’aryanisation de biens appartenant à des Juifs en intimidant la population juive : 41 000 des 50 000 commerces de détail sont « volontairement » vendus par leurs propriétaires juifs entre 1933 et 1938.
Le 15 septembre 1935, la loi civile du Reich et la loi « pour la
protection du sang et de l’honneur allemand » interdisent
les unions et les relations sexuelles entre Juifs et « non-Juifs », «
génératrices de souillures ».
Les Juifs sont privés
de leur citoyenneté et deviennent des sujets de statut inférieur,
auxquels il est même interdit de « pavoiser aux couleurs nationales
allemandes. » Parallèlement, le décret d’application
du 14 novembre 1935 définit qui est juif : « est juif celui
qui est issu d’au moins trois grands-parents juifs ; est juif celui
qui appartient à la communauté religieuse juive. »
Le critère racial et l’appartenance religieuse sont donc
l’un et l’autre pris en compte. Des ordonnances d’application,
des dispositions relatives au cas des Mischlinge (métis) ou demi-Juifs,
suivent quelques semaines plus tard. Ces lois déclenchent une série
de dénonciations : dans la seule ville de Hambourg, environ 5 000
personnes sont arrêtées puis interrogées tandis que
1 150 procédures d’instruction sont ouvertes. Après
avoir purgé une peine pour infraction à la loi sur la protection
du sang, ces personnes sont généralement internées
dans des camps de concentration.
L'incendie du Reichstag dans la nuit du 27 février 1933. Berlin, Allemagne, 1933.
Crédit photographique : Mémorial de la Shoah/CDJC.
Autodafé de livres, Berlin, Allemagne, 10 mai 1933.
Crédit photographique : Mémorial de la Shoah/CDJC.
«Le début de l'exode des Juifs de l'aquarium juif à Bad Herweck, Mannheim, Allemagne,» 1935.
Crédit photographique : Wiener Library.
Homme tenant un panneau appelant au boycott des magasins appartenant à des Juifs. Allemagne, 1er avril 1933.
Crédit photographique : Yad Vashem.
Texte des Lois de Nuremberg. 16 septembre 1935.
Collection : Mémorial de la Shoah/CDJC.