Benjamin Fondane manifeste très rapidement son intérêt pour le cinéma muet, en publiant dès mars 1925 un compte rendu admiratif du film Entracte (1924) de René Clair. Dans ses études sur le cinéma, il analyse la spécificité filmique du muet et insiste sur le rôle subversif de l'humour décapant des comédies de Mack Sennett, Charlie Chaplin, Buster Keaton, Harry Langdon.
En 1933, dans un numéro spécial des Cahiers jaunes, édité par Claude Sernet, qui rassemble les opinions des écrivains d'avant-garde sur l'évolution du cinéma, Fondane dresse le constat des difficultés et dénonce sans hésitation les limitations du film parlant : « Parlant ? Non, bavard ! [.] De fait, dès qu'il devint bavard, le film devint national. National et parlant, rien ne peut plus sauver le film. » Nul n'est plus conscient que Fondane des contraintes économiques qui pèsent déjà sur le cinéma d'auteur.
En 1933, Fondane qui exerce pendant quelques années le métier de scénariste à la Paramount aux studios de Saint-Maurice (Val-de-Marne), rédige les dialogues du film de Dimitri Kirsanoff adapté du roman La Séparation des races (1922) de Ramuz, retraçant la rivalité entre les Valaisans et les Bernois qui occupent deux vallées différentes. La conception du film, avec la musique de Honegger et Hoérée, réduit à l’extrême les dialogues pour privilégier un montage sonore expérimental.
Tararira est le seul film réalisé entièrement
par Fondane à Buenos Aires pendant l’été 1936.
C’est un long-métrage noir et blanc tourné en 35 mm,
produit par la Falma Film dirigée par Miguel
Machinandiarena. Le scénario en espagnol met au premier
plan les quatre musiciens entraînés dans une série
d’aventures burlesques, interprétés par les musiciens
d’un célèbre quatuor de luths des années 1930
(Pepe, Paco, Ezequiel et Isabel Aguilar). La musique
du film, écrite par Paco Aguilar, est composée d’adaptations
pour luths de Mozart, Haydn, Albeniz, Ravel, Brahms ou
de mélodies yiddish. L’esprit du film est probablement subversif
:
« Je me suis efforcé d’y introduire l’esprit
et la fantaisie de la commedia dell’arte » affirme Fondane dans L’Intransigeant le 29 janvier 1937.
Après le retour de Fondane en France, le film n’est pas distribué.
Les tentatives de Fondane pour récupérer son film, après
son retour à Paris, échoueront. Toutes les copies disparaîtront
après la guerre.
Ironie du sort : si Tararira avait été une réussite,
Benjamin Fondane aurait pu s’installer en Argentine dès 1938.
Benjamin Fondane et le quatuor Aguilar (Paco, Ezequiel, Pepe et Elisa
Aguilar), lors du tournage de Tararira, 1936.
Coll. Chancellerie des Universités de Paris - Bibliothèque littéraire
Jacques Doucet, Paris.
Benjamin Fondane et le quatuor Aguilar (Paco, Ezequiel, Pepe et Elisa
Aguilar), lors du tournage de Tararira, 1936.
Coll. Chancellerie des Universités de Paris - Bibliothèque littéraire
Jacques Doucet, Paris.