Le père Patrick Desbois, dont le grand-père avait été déporté au stalag 325 à Rava Ruska, a entrepris depuis six ans un travail méthodique et de longue haleine sur l’histoire de l’extermination d’un million et demi de Juifs d’Ukraine : identifier et expertiser tous les sites d'exterminations des Juifs perpétrées par les unités mobiles nazies en Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale dans le but ultime d'offrir une sépulture décente à ces Juifs fusillés en Ukraine.
Ce travail, entrepris avec l’association Yahad-In Unum, créée en janvier 2004 à l'initiative du cardinal Jean-Marie Lustiger et du cardinal Jean-Pierre Ricard d’une part, et de M. Israël Singer d’autre part, et dont le père Patrick Desbois, directeur du Service Episcopal pour les relations avec le Judaïsme, est le président, bénéficie du soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et du pape Benoit XVI dans une lettre du 12 novembre 2005 adressée au cardinal Lustiger.
Ces recherches, qui jusqu’à aujourd’hui se sont étendues sur un tiers environ du territoire concerné, ont permis de lever le voile sur les conditions exactes de cet assassinat de masse.
Les recherches de Yahad-In Unum en Ukraine se déroulent en trois étapes : recherches d’informations dans les archives allemandes et soviétiques, recherches sur le terrain (enregistrement des témoignages, localisation des lieux, enquêtes balistiques) et récolte des preuves matérielles du génocide.
Recherche archivistique :
Les fonds d’archives des tribunaux allemands et des commissions soviétiques permettent d’acquérir une première information concernant les massacres commis par les nazis en Union soviétique et notamment en Ukraine entre 1941 et 1944. Ces divers fonds renseignent les chercheurs de Yahad sur les missions données aux troupes allemandes quant au sort des Juifs, sur la localisation de certains lieux de massacres, et donnent une base de départ au travail sur le terrain.
Visite des sites et enregistrement des témoignages :
Le père Desbois et une équipe d'experts parcourent régulièrement les régions d’Ukraine dans le but d'identifier les témoins du génocide encore vivants aujourd’hui. A l'époque des faits, ces témoins étaient des enfants ou adolescents curieux, qui soit suivaient les colonnes de Juifs allant vers les lieux d'exécution ou qui, cachés, observaient les exécutions, soit firent partie de ceux qui, réquisitionnés par les Allemands avec la complicité des autorités locales, participèrent au creusement ou rebouchage des fosses, au transport des victimes ou de matériel. Tous témoignent souvent pour la première fois après soixante ans de silence.
C'est à partir de trois témoignages concordants recueillis indépendamment que Yahad-In Unum admet la localisation d'un site d'exécution inconnu jusqu'ici.
Identification des fosses communes juives et collecte des preuves balistiques :
Sur les indications des témoins, l’emplacement de la fosse est repéré. Les douilles allemandes, qui sont toutes datées, ou toute autre preuve balistique sont recueillies avant que l’emplacement de la fosse ne soit camouflé, afin d'éviter que les pilleurs de tombes ne la profanent.
La présence de douilles allemandes autour des fosses communes est une preuve importante que l'exécution a été perpétrée par les unités mobiles nazies. A côté de ces preuves, l’équipe a recueilli quelques objets personnels appartenant aux victimes : lunettes, jeux d’enfants, bijoux, qui ont pu échapper à la convoitise des tueurs. Cinq cents sites d’exécution ont déjà été identifiés.
L’exposition organisée au Mémorial de la Shoah présente les premiers résultats de ces recherches, une partie des preuves balistiques retrouvées sur les sites et une sélection des témoignages recueillis depuis six ans par l’équipe de Yahad-In Unum.
L’exposition retrace également l’expertise archéologique d’une fosse commune, menée dans le village de Busk à la demande du Mémorial de la Shoah par l’équipe du père Patrick Desbois en août 2006 et dont les résultats viennent confirmer la terrible réalité du génocide par balles mené entre 1941 et 1944 en Ukraine et sur l’ensemble du territoire soviétique par les troupes nazies.
Une interview réalisée à la sortie de la messe.
© Guillaume Ribot
Deux témoins délimitent par des gestes l’emplacement d’une fosse.
© Guillaume Ribot
La présence de douilles confirme la localisation des fosses.
© Guillaume Ribot
Vue du site de Busk, dans la région de Lvov où furent localisées 15 fosses communes dans un ancien cimetière juif.
© Guillaume Ribot