Les étapes de l’exécution

Les centaines de témoignages recueillis par Yahad-In unum et les documents d’archives permettent de mieux connaitre le déroulement des assassinats perpétrés dans le cadre de la Shoah par balles. L’organisation des tueries, si elle comporte des variantes suivant les lieux, l’importance des villes ou villages concernés, suit un déroulement et des méthodes similaires dans l’ensemble des régions ou Yahad-In Unum a mené son enquête jusqu’à aujourd’hui.

L’exposition du Mémorial de la Shoah décrit avec minutie les 8 étapes mises en évidence par les chercheurs de Yahad-In Unum. Le parcours présente ainsi des textes et documents d’archives ainsi que des extraits de témoignages, des montages d’extraits des récits des témoins ukrainiens interviewées par l’équipe de Yahad-In Unum.

1 - Les Allemands organisent les préparatifs des tueries :

les Juifs sont convoqués par voie d’affichage, radio ou haut-parleurs, des Ukrainiens sont réquisitionnés.

Les Allemands ordonnent aux Juifs de se rassembler à un endroit précis, équipés de vêtements chauds et de nourriture pour plusieurs jours. Dans les petites villes ou villages, ils prennent contact avec le maire du village qui leur fournit la liste des habitants et n’ont plus alors qu’à se rendre au domicile de leurs victimes pour les y arrêter.

La réquisition de civils ukrainiens par les Allemands est un fait habituel et fréquent dans les villes et villages d’Ukraine. Les paysans, hommes et femmes, souvent très jeunes sont réquisitionnés pour creuser des fosses, transporter des Juifs, reboucher les fosses.

2 - Les Juifs sont arrêtés, rassemblés ou enfermés, puis acheminés vers le lieu d’exécution.

Plusieurs méthodes sont employées pour arrêter les Juifs : la ruse en leur annonçant leur transfert à l’Est, à Kiev, ou en Palestine ; le regroupement dans des ghettos ; les arrestations au domicile.

Les policiers sillonnent durant plusieurs jours le village, les champs et les forêts, pour retrouver les Juifs qui se cachent dans leur tentative d’échapper aux arrestations.

Dans tous les cas, les arrestations sont accompagnées de nombreux assassinats.

Les victimes juives sont d'abord acheminées, depuis l'endroit du rassemblement, jusqu’au lieu du premier déshabillage proche de celui d’exécution soit à pied, disposées en colonnes, soit sur des chariots à chevaux accompagnés de gardes armés, soit dans des camions dans lesquels se trouvent également un garde armé.

3- Les Juifs attendent près du lieu d’exécution, puis on les déshabille et on leur confisque leurs derniers biens. Une dernière sélection a lieu.

Le lieu de l’attente n’est pas situé à côté de la fosse afin que les victimes ne puissent la voir. Parfois les victimes juives n’attendent pas mais sont au contraire conduites très vite et sous les coups, pour être fusillées dès qu’elles approchent des fosses.

Dans la majorité des cas, les Juifs doivent se déshabiller entièrement, en enlevant tout d’abord leurs vêtements chauds, qui vont être déposés en tas ou dans des caisses préalablement disposées, puis, plus loin, ils ôtent leurs autres vêtements. Les Juifs qui refusent sont souvent tués sur place.

4- Le Kommando de fusillade mis en place, on place les victimes au bord de la fosse. L’ordre d'exécution est donné.

La plupart du temps les Juifs sont exécutés d’une seule balle tirée dans le dos, contrairement à la pratique allemande des exécutions militaires. Ce choix, explicitement mentionné par Paul Blobel lui-même, semble avoir été fait dès le début des fusillades. Pour le reste, les commandos rodèrent progressivement leurs méthodes de tuerie, au terme de nombreux et sordides débats. A la suite d’une « liquidation » à laquelle il assista à Minsk, vers le 15 août 1941, Himmler demanda que soient expérimentées d’autres méthodes d’assassinat. Le choix se porta sur des camions à gaz.

5- Après la fusillade les fosses sont rebouchées.

Dans des cas exceptionnels les victimes reçoivent le coup de grâce. Dans certaines régions, on procède à la crémation des corps.

Après la fusillade on rebouche la fosse en y jetant parfois au préalable de la chaux puis de la terre. Ce sont souvent les populations locales

réquisitionnées, avec leur matériel, qui doivent effectuer le travail de rebouchage et qui donc témoignent du fait que de nombreuses victimes sont encore vivantes à ce moment-là.


6- Les Allemands font une fête dans le village.

Les vêtements et les biens juifs sont triés, emmenés, distribués ou vendus.


7 – Certains Juifs parviennent à survivre.

L’équipe de Yahad a retrouvé et interviewé certains de ces survivants qui vivent quelquefois à quelques kilomètres seulement du lieu où ils ont échappé à la mort.


8- Le site d’extermination de Babi Yar en Ukraine.

Quand les troupes allemandes investissent Kiev le 19 septembre 1941, près de 100 000 Juifs ont fui la ville. Accusés d’avoir préparé des attentats et provoqué des incendies, les Juifs restés à Kiev sont invités par voie d’affichage à se rassembler à 8 heures du matin le 29 septembre 1941 afin d’être « réinstallés » ailleurs. Ils sont alors encadrés jusqu’au ravin de Babi Yar, au nord-ouest de la ville où ils sont assassinés par petits groupes les 29 et 30 septembre 1941. Le rapport de l’Einsatzgruppe C à son quartier général fait état de 33 771 victimes juives.

Hanna Antonivna Gonovaltchiouk

Hanna Antonivna Gonovaltchiouk. Née en 1921. Interviewée à Berditchev, région de Zhitomir le 16 octobre 2005. Témoin direct. Témoin 251.
© Guillaume Ribot

Colonnes de Juifs conduits sous la garde de  soldats allemands dans les rues de Kamenetz-Podolsk, Ukraine

Colonnes de Juifs conduits sous la garde de soldats allemands dans les rues de Kamenetz-Podolsk, Ukraine, vers un site d’exécution situé en dehors de la ville. 27 août 1941. Kamenetz-Podolsk, Ukraine.
© USHMM, courtesy of Ivan Sved

Des prisonniers juifs sont forcés de se déshabiller avant leur exécution par des auxiliaires ukrainiens

Des prisonniers juifs sont forcés de se déshabiller avant leur exécution par des auxiliaires ukrainiens. Photographe inconnu. 1942. Chernigov, Ukraine.
© USHMM, courtesy of Magyar Nemzeti muzeum Torteneti Fenykeptar

Membres d'un Einsatzkommando tirant sur des juifs dans un champ à Dubossary, Moldavie

Membres d’un Einsatzkommando tirant sur des juifs dans un champ à Dubossary, Moldavie. 14 septembre 1941. Dubossary, Moldavie, URSS. Photographe non identifié.
© USHMM, Impérial War Museum. Crown copyright. Droits réservés

Nina Roufimovna Lisitsina. Née en 1939. Interviewée à Belogorsk en Crimée le 24 décembre 2004

Nina Roufimovna Lisitsina. Née en 1939. Interviewée à Belogorsk en Crimée le 24 décembre 2004. Rescapée. Témoin 103.
© Guillaume Ribot