Un temps d'échange et de discussion s'impose généralement au retour du voyage d’étude pour donner la parole aux élèves. Le passage par l'écrit est aussi un moyen d'exprimer sentiments et réflexions personnelles. Rédigés spontanément ou à la demande des professeurs, les textes des lycéens témoignent de l'’impact du voyage et de la rencontre avec les anciens déportés.
« Des souvenirs comme une flamme.
Il n’y a rien, presque rien… Aucune fumée ne s’échappant de ces fours noirs dont il ne reste que des ruines. Les rails s’étendent devant nous, mais ce ne sont plus vraiment les rails d’autrefois, de même que le sol qui se déroule vert à nos pieds. La nature a repris son bien, et à sa manière insidieuse, a enfoncé autour des rails ses racines tenaces.
Une déportée, une survivante, avait dit quelques jours avant de se donner la mort dans les années 1970 qu’il n’y avait jamais eu d’oiseaux à Birkenau. Aujourd’hui, elle aurait tort : ils sont là, ces corbeaux noirs et sinistres. Ils planent, tournoient et puis se posent dans l’immensité du camp. Ce sont des oiseaux funèbres. On raconte qu’ils sont là pour annoncer la mort, mais ici, ils nous la rappellent cruellement. Mais comment pourrions-nous l’oublier ? Malgré l’herbe verte et le temps, il y a encore tous ces barbelés. Combien d’entre eux ont écorché leurs mains, combien ont donné la mort et fait couler le sang ? Ces barbelés qui séparaient les familles, qui blessaient et qui blessent encore.
Debout, il reste quelques miradors. Les soldats, l’arme au poing et le chien en laisse devaient s’y installer et, jour et nuit, sous la lumière de la lune ou du soleil, surveiller leurs prisonniers maigres et las, aux yeux pâles et presque morts.
Les nazis ont détruit les crématoires, ils voulaient tout effacer comme ils voulaient effacer jusqu’au moindre Juif mais ils n’ont pas songé aux ruines. Elles parlent, elles racontent l’horreur nazie et la souffrance, l’ignominie et la douleur…
Nous marchons sur l’herbe et un chemin de terre. Ici, ils ont marché aussi : Jacques et Jules, Simone Veil, Primo Levi et puis tous ces autres dont nous ne saurons jamais le nom, la vie et les souffrances. D’eux, il ne reste pas grand-chose si ce n’est ces photos émouvantes, témoins d’un bonheur à jamais enfui puisqu’un jour un homme et une idéologie ont décidé que les Juifs, les Slaves, les Tsiganes et beaucoup d’autres n’avaient plus le droit de vivre. Elles sont si belles ces mariées serrant leur bouquet de fleurs, ces enfants en train de jouer, ces hommes fiers et souriants. Ils sont beaux parce qu’ils étaient heureux et on leur a ôté jusqu’à l’idée même du bonheur, jusqu’à l’espoir, jusqu’à leur humanité. Que sont-ils devenus ? Ils ont maigri, tremblé et peut-être que nous piétinons leurs cendres, neige grise sur la boue du camp…
Comme les flammes des bougies, ils ont brillé, ont vacillé, et puis certaines flammes sont mortes. D’autres – rares – ont gardé une petite étincelle mais ô combien cette étincelle a dû être difficile à réalimenter ! Cependant, toutes ces petites flammes éteintes par une barbarie sans nom, nous avons, nous, le pouvoir de les rallumer en un seul grand feu parce que nous savons, parce que nous avons entendu leurs cris dans le silence de la visite d’Auschwitz. Les survivants atteindront bientôt le crépuscule de leur vie mais parce qu’ils ont eu la force de témoigner pour eux, pour les leurs et ceux qui ne sont pas revenus, parce qu’ils ont fusionné leur étincelle pour ne pas être oublié, nous devons reprendre le flambeau et transmettre à notre tour ce que nous savons de leur histoire.
Parce que se souvenir, c’est encore la meilleure façon d’éviter le pire et de construire un monde de paix et de tolérance, un monde où tous, sans distinction ni de race, ni de religion, nous aurons le droit de vivre, tout simplement le droit de vivre… »
Lucile, lycée Simone Weil, Saint-Priest-en-Jarez (42)
« Cette journée a été bouleversante et on ne sait pas comment témoigner aux déportés qui ont survécu l’admiration que l’on éprouve pour leur courage et leur gentillesse. Du courage car, malgré la douleur et les souvenirs, ils insistent pour retourner sur ces lieux de torture. De la gentillesse car sans aucun tabou, sans honte, ni haine, ils racontent leur triste expérience et comptent sur nous pour la faire partager. »
Elève de 1ère ES, lycée Pardailhan, Auch (32)
« Il faut aller au moins une fois à Auschwitz dans sa vie car dans notre façon de penser il y a un avant et un après Auschwitz. »
Elève de 1ère ES, lycée Pardailhan, Auch (32)
« Dans le car qui nous conduisait au camp j’essayais d’imaginer… mais j’étais loin, très loin d’imaginer ce que j’allais voir, entendre, découvrir. Je vois la vie différemment aujourd’hui. Je peux affirmer qu’à présent je vois les choses différemment. »
Florian, lycée professionnel privé Sainte Thérèse, Rumilly (74)
« Au delà de l'émotion que nous a inspiré ce lieu, survient l'incompréhension; le questionnement sur les causes, les faits et surtout les conséquences destructrices de ce drame humain. On en vient également à s'interroger sur les valeurs fondamentales de notre société, celles qui ne doivent pas être oubliées et piétinées comme elles l'ont été. C'est donc une interrogation sur les piliers moraux mais aussi sur notre rôle, nous qui avons visité le plus grand cimetière de l'humanité, car suite à cette visite éprouvante on se sent comme "chargé d'une mission" celle de transmettre ce que l'on a vu et entendu; et surtout celle de ne pas oublier. »
Fatima Aouidat, lycée Jean Macé, Niort (79)
« Lors de la visite du camp de Birkenau, j’ai été frappé par la ressemblance de ce lieu avec une usine en plein air : il y a une rampe d’accès pour le « déchargement » des déportés et leur tri par des médecins, comme des vaches à l’abattoir ; il y a les kilomètres de barrières de barbelés et de béton ; les entrepôts (baraques et latrines) posés comme des dominos, alignés ; il y a les tonnes d’objets, de cheveux, de lunettes, de chaussures… Et puis il y a l’organisation générale du camp qui est impressionnante autant que sa surface. »
T.T. , lycée européen Montebello, Lille (59)
« La première chose qui m’a frappée lorsque nous sommes arrivés à Auschwitz, c’est le vide, l’espace sur lequel le camp a été construit. L’immensité : une grande plaine balayée par le vent sur laquelle étaient bâtis des centaines de baraquements dont il ne reste aujourd’hui que les cheminées ».
T.C., lycée européen Montebello, Lille (59)
« Ce qui me frappa le plus en entrant dans ce camp était le silence. Rien, pas un bruit, pas une parole, pas un chant d’oiseau, rien… Personne n’osait parler. Tout le monde se regardait sans trouver quoi dire. Nous ne pouvions que constater l’horreur du passé. Et, est-ce qu’il y avait d’ailleurs vraiment quelque chose à dire ? Je ne sais pas. »
Romain Boudec, lycée professionnel Michelet, Nantes (44)