La préservation des archives
Au début de l’été 1942, les responsables d’Oyneg Shabbes sont avertis par la résistance polonaise de l’imminence
d’une déportation massive de la population du ghetto. Ils décident de
regrouper les archives jusque là dispersées et de leur procurer une cachette
sûre. C’est seulement le 3 août, alors que l’Aktion a débuté depuis deux
semaines, qu’Israël Lichtensztajn, aidé de ses étudiants Nachum Grzywacz
et Dawid Graber, après avoir rangé les documents dans dix boîtes en métal,
les placent au fond d’un réduit aménagé dans les caves, au 68 de la rue
Nowolipki.
Après que la majorité des Juifs de Varsovie a péri, les quelques survivants
d’Oyneg Shabbes dressent le bilan des pertes et continuent leur travail
de compilation dans ce que les Allemands nomment le Restghetto. Ringelblum,
Wasser, Gutkowski participent au Comité de coordination juif, gouvernement
clandestin du ghetto, à partir de l’automne 1942. Les préparatifs à la
lutte armée mobilisent alors les forces de la résistance. Des documents
des organisations clandestines, en particulier des mouvements de jeunesse
qui vont en devenir le fer de lance, sont déposés dans les archives, dont
plusieurs appels à la lutte armée qui proclament : « N’allez pas à la
mort sans résister. En combattant, vous gardez une chance de survivre!»
À la fin du mois de février 1943, la deuxième partie des Archives est
placée dans deux bidons de lait et également enfouie dans les sous-sols
du 68 de la rue Nowolipki. La troisième et dernière partie des archives
est cachée juste avant le soulèvement, sous l’immeuble du 34 de la rue
Swietojerska.
L’insurrection, malgré sa portée symbolique considérable, se solde, comme
l’avaient prévu ses initiateurs, par la mort de la quasi-totalité des
combattants et des habitants vivant encore dans le ghetto; lequel est
réduit en un amas de ruines. Oyneg Shabbes disparaît, mais Emmanuel Ringelblum
échappe à la vague de destruction en étant caché avec sa famille et 35
autres survivants dans un abri souterrain installé dans la partie « aryenne»
de Varsovie. Il y rédige ses Relations polono-juives et un volume intitulé
Figures consacré aux personnalités juives assassinées. En mars 1944, l’abri
est découvert après dénonciation. Emmanuel Ringelblum, sa femme Judith
et leur fils Ouri âgé de 13 ans, ses compagnons juifs et les bienfaiteurs
polonais qui les cachaient, sont conduits dans les ruines du ghetto et
passés par les armes.