PARTIE II LES COMBATS DE LIBÉRATION ET LES FORMES DE RÉPRESSION (ÉTÉ 1944-HIVER 1944-1945)
parcours, la Das Reich instaure une répression sanglante tant pour démanteler les maquis que pour terroriser la population. À Tulle, après avoir repris le contrôle de la ville, elle se livre le 9 juin à de terribles représailles : tous les hommes sont arrêtés, 99 d entre eux sont pendus. Un ordre du 9 juin au soir contraint ensuite la division à quitter le Limousin pour rejoindre rapidement la Normandie. Avant de partir, elle porte à son paroxysme sa stratégie de terreur. Le 10 juin, à Oradour-sur-Glane, où il n y avait pourtant aucune forme de résistance, elle massacre 642 habitants, femmes et enfants compris. Il s agit du plus grand massacre de civils en Europe de l Ouest.
LE MASSACRE DE DISTOMO Le 10 juin 1944, dans les environs de Delphes, à environ 200 kilomètres d Athènes, une unité de Waffen SS, la division Edelweiss, subit un accro- chage avec des partisans grecs. En représailles, les SS décident de procéder à la destruction du village de Distomo, qui se trouve à proximité, tenant sa population pour collectivement cou- pable de l attaque. Au total 228 habitants, dont 117 femmes et 58 enfants, sont assassinés, le village est pillé puis incendié. Distomo s inscrit dans la longue litanie de mas- sacres qui ont ensanglanté la Grèce, et plus largement les Balkans à compter de l automne 1943, quand le IIIe Reich déclenche une opération destinée à écraser les unités de partisans, depuis le nord de l Italie (Trieste) jusqu à la Grèce. Dans ce pays, des dizaines de villages sont détruits et des milliers de personnes massacrées lors d opérations de « lutte anti-partisans ».
LES DERNIERS CONVOIS DE DÉPORTÉS PARTIS DE FRANCE Vers la fin de l année 1943, la lutte contre la Résistance se renforce et les mesures répres- sives s intensifient, exercées par les autorités d occupation allemande et par le régime de Vichy, dans un contexte marqué par l accen- tuation de la pression militaire des Alliés et la multiplication des actions subversives dans les territoires occupés. Parallèlement, la poursuite du génocide des Juifs d Europe et l intégration toujours plus grande du système concentration- naire dans l appareil productif nazi au service de la « guerre totale » entraînent un recours massif aux déportations vers le Reich. Alors même que les débarquements en France métropolitaine au milieu de l année 1944 et la multiplication des bombardements alliés et des sabotages entravent la circulation ferroviaire, la radicalisation de la répression et la furie exter- minatrice visant les Juifs demeurent face aux contingences sécuritaires immédiates. Pour l idéologie nazie, si fortement empreinte de la défaite de 1918, les revers militaires imposent
LA DIVISION DAS REICH À ORADOUR-SUR-GLANE Transférée en France au début 1944 après avoir combattu sur le front de l Est, la division Das Reich reçoit pour instruction le 5 juin (veille du Débarquement) d éradiquer les maquis du Limou- sin, présentés par l état-major allemand comme « un danger qui, en cas d invasion, pourrait avoir des conséquences sur les opérations ». Quittant le 6 juin son cantonnement de Montauban, elle n a donc pas pour objectif de se rendre le plus rapidement possible en Normandie, mais bien de « pacifier » tout le centre-ouest du pays où, à l annonce du débarquement, les maquis sont passés à l action, libérant déjà plusieurs villes (Guéret, Argenton, Tulle). Tout au long de son
LES MASSACRES, CRIMES DE GUERRE ET DÉPORTATIONS
À l Ouest, après le débarquement de Nor-mandie, la répression se radicalise par étapes : en juin-juillet d abord, lorsque les Allemands pensent encore remporter la bataille ; à partir d août ensuite, quand leur évacuation commence. À l instar des violences pratiquées dans l est de l Europe, les mois de juin et juillet sont marqués en France comme en Italie par des représailles sanglantes, des jugements expéditifs, des exécutions ciblées et des premières dépor- tations de maquisards. Les victimes de l armée allemande se comptent par milliers. Toutes les actions, règles, décisions qui peuvent gêner les opérations militaires doivent être stoppées. La justice militaire et avec elle la procédure « Nacht und Nebel » sont significativement suspendues par un décret au nom évocateur : « Terreur et Sabotage ». Jusqu à la fin du mois de juillet 1944, les déportations massives se poursuivent depuis la France selon la même organisation, mais le nombre de prisonniers par convoi augmente. Entre le 6 juin et la fin de juillet, près de 7 500 hommes sont déportés depuis Compiègne, au moins 940 femmes depuis Paris, et 850 détenus judicaires. Des convois sont même organisés aux portes des prisons de province, conduisant 1 400 déportés directement dans le Reich. Entre août et novembre, près de 11 000 personnes sont encore déplacées, tandis que dans les territoires occupés, une répression sanglante donne lieu à des massacres qui ont marqué les mémoires nationales et locales. L organisation des déportations révèle une évacuation programmée davantage que subie. L occupant ne voulait pas libérer ses détenus, pour éviter qu ils ne rejoignent le combat contre le Reich et parce que leurs bras étaient utiles à l effort de guerre dans les camps du Reich, et déporta donc jusqu au bout, coûte que coûte.
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▲ Soldats allemands regardant les corps des sept otages juifs fusillés par la Milice, devant le cimetière de Rillieux-la-Pape, près de Lyon, le 29 juin 1944. © Mémorial de la Shoah
▲ Le village martyr d Oradour, victime de la Division SS Das Reich. © Mémorial de la Shoah/ Mémoire juive de Paris.
▲ Itinéraire de la division Das Reich entre le 6 et le 10 juin 1944. © Mémorial de la Shoah