PARTIE II LES COMBATS DE LIBÉRATION ET LES FORMES DE RÉPRESSION (ÉTÉ 1944-HIVER 1944-1945)
du 16 décembre 1942 a donné le signal de la déportation et de l assassinat des Tsiganes d abord dans le Reich même, puis en Belgique et aux Pays-Bas (décret du 29 mars 1943). Des Tsiganes ont aussi été raflés dans le Nord-Pas- de-Calais passé sous administration militaire allemande. Le 15 janvier 1944, 352 hommes, femmes et enfants forment le convoi Z (pour Zigeuner) à destination d Auschwitz-Birkenau à partir du camp de rassemblement de Malines (Belgique), l équivalent de Drancy. Seuls 32 d entre eux ont survécu. Le 19 mai 1944, un autre convoi de 245 Tsiganes quitte le camp de Westerbork (Pays-Bas). Le camp tsigane d Auschwitz (section BIIe) a fonctionné à partir du 26 février 1943. 20 943 per- sonnes y ont été immatriculées, et 1 700 y ont été gazées dès leur arrivée en mars 1943. En outre, la stérilisation forcée représente une forme de génocide différé. Les familles ne sont ni séparées ni sélectionnées, mais sont victimes de la faim, des épidémies, des sévices et des expérimentations médicales. Le camp tsigane est liquidé dans la nuit du 2 au 3 août 1944 : les 2 897 derniers prisonniers sont alors gazés. Certains, jugés « aptes au tra- vail », sont condamnés à l esclavage-extinction : les hommes sont transférés à Buchenwald, épi- centre de l extermination industrielle, les femmes à Ravensbrück et les Kommandos extérieurs sont mis au service de l industrie de guerre du Reich.
la première fois, la catégorie de détenus la plus représentée. En janvier 1945, Buchenwald, avec près de 100 000 prisonniers enregistrés, devient le plus vaste camp. Le phénomène illustre le basculement de l équilibre du système concentrationnaire de l Est vers l Ouest (Auschwitz compte alors moins de 70 000 détenus). La part des femmes marque également une augmentation sensible, avec plus de 200 000 prisonnières dans les KL, dont 45 000 à Ravensbrück. L afflux de prisonniers issus des différents territoires occupés par les nazis contribue à accentuer fortement l internationalisation de la population concentrationnaire. À Buchenwald, les déportés sont originaires d une trentaine de pays différents. Au final, surpopulation et extension du travail forcé dans un contexte de violence exacerbée par la SS conduisent à une forte augmentation de la mortalité phénomène qui ne fait ensuite que s am- plifier jusqu à la découverte des camps par les Alliés.
L INTERNEMENT ET LE SORT DES TSIGANES DANS LES CAMPS NAZIS L exclusion et l extermination de deux groupes donnés (Juifs et Tsiganes) ont été mises en œuvre avec des logiques assez différentes. La lutte contre le « fléau tsigane » a mêlé expertises raciales et préjugés ancestraux, leur grande mobilité étant considérée comme une déviance sociale. Pour autant, il n existait pas de politique globale et cohérente à l échelle européenne planifiée à l encontre des Tsiganes. Après les massacres commis à l Est en 1941 par les Einsatzgruppen, puis les déportations vers les ghettos juifs, le décret dit d Auschwitz
LE SYSTÈME CONCENTRATIONNAIRE NAZI À SON APOGÉE À l été 1944, le système concentrationnaire est engagé dans un vaste programme de recentra- lisation et d enterrement de la production de guerre. Des centaines de milliers de détenus des KL (Konzentrationslager, camp de concentration) sont alors envoyés dans de nouveaux camps et employés sur des chantiers destinés à instal- ler les usines aéronautiques, de production de carburant et autres industries de guerre. Selon les estimations, le nombre total de Kommandos approche 560 au début 1945. Le territoire du Reich se couvre de ces satellites. Buchenwald en compte à lui seul une centaine et, malgré son évacuation en septembre 1944, le KL Natzweiler se dote également d une douzaine de camps annexes. Aux enjeux économiques s associent les objectifs répressifs et les opérations mili- taires, à l Ouest et à l Est, qui accélèrent le trans- fert à l intérieur du Reich des détenus politiques. Le nombre des détenus dans les camps est alors poussé à la hausse. Avec le développement de la Résistance, des dizaines de milliers d hommes et de femmes sont encore déportés, notamment depuis la France, la Belgique et la Pologne. Près de 200 000 Juifs sont également enregistrés dans les camps de concentration ce qui en fait, pour 20 / 21
▲ ▲ Femmes au travail dans des Kommandos extérieurs du camp de Ravensbrück, Allemagne, 1945. © Institut de la mémoire nationale - Commission de poursuite des crimes contre la nation polonaise
▼ Dessin de Ceija Stojka, Liquidation finale d Auschwitz, août 1944. Nous sommes passées au travers, 2002. © D. R.