FICHE MÉTHODE
Une utilisation raisonnée en classe Les témoignages des acteurs de la Seconde Guerre mondiale sont essentiels car ils offrent aux élèves un éclairage vivant et ont un fort impact émotionnel. Mais ces témoignages peuvent comporter des erreurs factuelles. Il convient donc de les analyser en les confron- tant à d autres sources (livres, archives, photo- graphies). Cette ressource doit amener à une réflexion autour de la notion d archives orales car le témoignage constitue la vérité du témoin qui la livre souvent des décennies après les faits, et de façon sélective. Les non-dits, les silences peuvent aussi faire l objet d attention. Le témoignage nécessite une médiation de la part de l enseignant car il y a parfois un hiatus entre la parole du témoin et la compréhension de l auditeur. Enfin, il faut le rappeler, les victimes de la Seconde Guerre mondiale n ont pas toutes été entendues, comme les victimes civiles des bombardements ou les requis du Service du travail obligatoire dont le départ en Allemagne n a pas suscité a posteriori les mêmes émotions.
Témoigner pour l Histoire
Recueillir la parole individuelle des témoins s im- pose pour constituer des archives, laisser des traces quand les criminels ont voulu les effacer, sortir du silence, lutter contre les révisionnismes et travailler sur le traumatisme. C est pourquoi les collectes de témoignages filmés se multiplient à partir des années 1970-1980, principalement auprès des rescapés de l extermination des Juifs d Europe. Ces derniers acceptent d être filmés malgré parfois la crainte de ne pas trouver les mots justes pour traduire la réalité des souffrances. En 1979, la première grande collecte d archives audiovisuelles est menée à l université Yale, aux États-Unis. Après le succès public de son film La Liste de Schindler (1993), Steven Spielberg crée une base de données de plus de 52 000 témoi- gnages recueillis en 32 langues. Par ailleurs, des fondations et des associations filment des témoins en élaborant une méthode de recueil (à domicile ou sur les lieux de la déportation) ou de manière empirique souvent dans un cadre scolaire. Ces témoignages constituent une précieuse ressource documentaire pour les historiens qui ont appris à les écouter, y distinguant plus ce qui relève de l expérience individuelle ou d un discours qui, avec le temps, peut devenir « stéréotypé ». D anciens déportés, comme Germaine Tillion ou André Sellier, ont interrogé eux-mêmes leurs camarades pour écrire des ouvrages majeurs sur les camps.
Le Concours national de la Résistance et de la Déportation invite à travailler sur des témoi- gnages oraux de la Seconde Guerre mondiale. Comment s orienter dans cet abondant corpus collecté de l après-guerre à nos jours ? Comment les étudier avec une distance critique ?
Témoigner pour juger Les victimes de la répression et de la déportation ont été appelées à comparaître au Tribunal mili- taire international à Nuremberg (Allemagne) en 1945-1946. Les témoins répondent aux questions des procureurs et des avocats face aux accusés et aux caméras. Marie-Paule Vaillant-Couturier, résistante communiste déportée à Auschwitz et à Ravensbrück, marque les esprits le 28 janvier 1946 en racontant les conditions de vie dans les camps. C est au procès Eichmann (Jérusalem, 1961) que les survivants de l extermination des Juifs d Europe sont mis pour la première fois au centre des débats. En France, les procès Barbie (1987), Touvier (1994), Papon (1997- 1998) font une place importante aux témoins. Mais certains, comme Simone Veil, rescapée d Auschwitz, s interrogent sur la valeur des témoignages prononcés longtemps après les faits dans des procès très médiatisés et dont l opinion s émeut. Ces procès ont été filmés et archivés pour l Histoire.
PARTIE II
LES TEMOIGNAGES ORAUX DE LA COLLECTE A
L UTILISATION EN CLASSE
▲ Témoignage filmé de Ginette Kolinka, déportée de France à destination d Auschwitz le 13 avril 1944. © Mémorial de la Shoah, 2016
▲ Témoignage filmé de Jean Gavard (1923-2016), déporté résistant, inspecteur général de l Éducation nationale. © Amis de la Fondation de la Résistance
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