FICHE MÉTHODE
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mesure que sont découverts les autres camps, dans le but de dénoncer la barbarie nazie. À partir de la fin de cette même année, cer- taines des images sont utilisées par l accusa- tion lors des procès qui visent les criminels nazis (Nuremberg). Diffusées par la presse, par les livres publiés par les amicales de déportés, puis par les ouvrages historiques ou les documen- taires, ces documents photographiques, mal- gré leur diversité et leurs motivations initiales, contribueront à alimenter la réflexion et à entre- tenir la mémoire de cette terrible période.
Bibliographie sélective
La part visible des camps : les photographies du camp de concentration de Mauthausen, Amicale de Mauthausen, Paris, éditions Tirésias, 2005. Catalogue de l exposition La part visible des camps, qui rassemble une sélection de clichés pris par les SS, ceux sauvés par les détenus et ceux pris par les libérateurs. Christophe Cognet, Éclats. Prises de vue clandestines des camps nazis, Paris, Seuil, 2019.
gner de la réalité des conditions inhumaines de l univers concentrationnaire. Ainsi, au camp de Ravensbrück, des déportées fran- çaises réussissent à fixer sur la pellicule, au péril de leur vie, des camarades polonaises victimes d expériences pseudo-médicales. Elles parviennent à conserver ces preuves pour dénoncer les crimes nazis après-guerre. Certains clichés sont exceptionnels, comme les quelques photographies prises en 1944 par les membres du Sonderkommando de Birkenau qui saisissent clandestinement des images de femmes se rendant à la chambre à gaz et des corps brûlés sur des bûchers. Enterrés pour être préservés, ces clichés seront autant de preuves pour dénoncer le système extermina- toire nazi. Si, durant le conflit, aucune de ces photogra- phies ne paraît dans la presse clandestine française ou dans les journaux du monde libre, des informations sont pourtant présentes au printemps 1944, parfois depuis des mois, sur les bureaux des états-majors : elles révèlent l am- pleur des crimes commis dans les camps nazis. Cependant, il faut attendre la découverte des camps de concentration et des centres d ex- termination par les armées alliées pour que leur réalité apparaisse dans toute son horreur et que l opinion publique soit peu à peu informée en images des atrocités commises. En juillet 1944, les opérateurs de l Armée rouge ont fixé sur la pellicule la découverte du centre de mise à mort de Majdanek et, en novembre, ceux de l armée américaine font de même au camp de Natzwei- ler-Struthof, en Alsace annexée. Dès cette époque, Américains, Soviétiques et Britanniques font appel à des opérateurs man- datés pour enregistrer des images documen- taires destinées à servir de preuves lors des procès à venir des criminels nazis. Les armées alliées, en particulier après la venue à Ohrdruf d Eisenhower, diffusent plus massivement images et témoignages au printemps 1945, à
Les nazis ne dissimulent pas l existence des camps de concentration. Dès l ouverture des premiers d entre eux, la propagande nazie diffuse des reportages photographiques souli- gnant leur rôle rééducatif au sein du IIIe Reich. Ces photographies sont alors publiées dans des journaux allemands et européens. Si l exis- tence de tels camps est connue dès 1933, leur régime interne, en revanche, est soigneuse- ment caché par les autorités nazies. Dès le début de la guerre, le secret se fait encore plus lourd. Les détenus ne peuvent plus espérer être libérés. Plus un seul photographe officiel n est autorisé à pénétrer dans un camp, exception faite du photographe personnel de Himmler. Cependant, tout au long de la guerre, des photographies ont été prises dans les camps de concentration par l administration nazie. Il existe ainsi des témoignages de l avancement de la construction d un camp (par exemple de la Bauleitung d Auschwitz) ; certains clichés « illustrent » des rapports sur des « tentatives d évasion » et présentent des cadavres de déportés, sortes de preuve à l appui du dos- sier. Pensons également aux photographies d identité des personnels du camp, aux clichés anthropométriques des déportés, ou encore au corpus exceptionnel que forment les deux cents images de l Album d Auschwitz, qui permettent de reconstituer, au printemps 1944, l arrivée à Birkenau des Juifs hongrois, leur entrée dans le camp et les étapes qui mènent la majori- té d entre eux vers les chambres à gaz. Bon nombre de ces documents nous renseignent sur le regard des SS sur les déportés. Elles témoignent de leur vision idéologique des camps et de leur négation de l homme. La pho- tographie prise par les SS des déportés montant l escalier de Mauthausen reflète une esthétique idéologique, la masse des concentrationnaires travaillant dans la discipline et en ordre De rares photographies faites par les déportés traduisent la volonté des victimes de témoi-
PARTIE III
https://www.fondationresistance.org/documents/cnrd/Doc00508.pdf
ANALYSE CRITIQUE D UNE PHOTOGRAPHIE HISTORIQUE
La photographie constitue une source historique et, comme telle, doit être soumise à une analyse critique, d autant plus que, comme tout document visuel, elle véhicule une émotion et nourrit l ima- ginaire individuel et collectif. Elle ne peut constituer à elle seule une preuve irréfutable du sens de l événement qu elle représente. Aussi pour tirer toute la connaissance historique objective d une photographie, il faut se poser un certain nombre de questions.
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Déportés dans les baraquements du camp de Buchenwald, photographiés à la libération, en avril 1945. © Mémorial de la Shoah / ministère de l Information
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Photographie de l une des victimes des expériences pseudo-médicales du médecin SS Gebhardt, prise clandestinement par les Polonaises en septembre 1944. Au fond à gauche, une détenue fait le guet. Coll. Anise Postel-Vinay